J.O. 174 du 30 juillet 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 12995

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Avis n° 2003-A.-1 de la Commission des participations et des transferts du 25 juillet 2003 relatif à une cession sur le marché de titres de Renault SA


NOR : ECOX0306788V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre du 21 juillet 2003, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission en vue de la cession sur le marché d'une fraction de la participation de l'Etat dans le capital de la société Renault SA.

Cette cession porterait sur environ 10 % du capital de Renault et serait réalisée au moyen d'un placement privé auprès d'investisseurs institutionnels français et internationaux, conduit par un syndicat bancaire qui en garantit la bonne fin ainsi qu'un prix minimum.

Conformément à l'article 11 de la loi du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations, des titres seront prochainement proposés aux salariés dans la limite de 10 % des actions cédées par l'Etat. La commission émettra par ailleurs un avis sur cette offre.

L'Etat détient actuellement 25,91 % du capital de Renault SA et 31,83 % des droits de vote compte tenu des actions autodétenues et de celles appartenant à Nissan. A la suite de l'opération examinée par le présent avis, la participation de l'Etat serait réduite à environ 16 % du capital et près de 20 % des droits de vote.

II. - Le groupe Renault est, avec une part de marché en France de 27 % en 2002, le deuxième constructeur automobile national. Pour les véhicules particuliers, il se situe au quatrième rang en Europe, avec une part de marché de 10,7 %. L'Alliance Renault Nissan est quant à elle le cinquième acteur automobile mondial avec 9,1 % du marché.

Au cours de l'année 2002, l'Alliance a connu une évolution structurelle importante avec la montée de Renault à 44,4 % du capital de Nissan et l'acquisition par ce dernier de 15 % du capital de Renault. Dans le même temps, les deux groupes créaient une structure commune de management stratégique de l'Alliance, Renault Nissan BV, détenue à parité. L'Etat français, pour sa part, cédait début avril 2002 environ 12 % du capital de Renault.

La commission a émis sur ces opérations différents avis qui en donnent des descriptions détaillées. Elle a en particulier analysé la situation de Renault dans son avis du 19 mars 2002 susvisé.

III. - L'évolution de la situation économique depuis un an n'a pas été favorable au secteur automobile.

Sur l'ensemble de l'exercice 2002, Renault a pu maintenir le niveau de son chiffre d'affaires, malgré la baisse des volumes, grâce notamment à l'amélioration des prix et à la croissance des ventes de pièces et d'organes. La gamme des véhicules a souffert d'un certain vieillissement.

Au total, l'exercice 2002, comme l'exercice 2001, s'est traduit par une baisse du résultat d'exploitation, hors changements de méthodes comptables. Le résultat net est cependant en hausse à près de 2 milliards d'euros (changements de méthodes inclus), contre 1 milliard en 2001, grâce à l'apport des participations dans Nissan et Samsung Motors (qui sont mises en équivalence dans les comptes de Renault). On notera aussi que la marge opérationnelle, qui avait fortement baissé au cours des dernières années, s'est inscrite en net redressement. Enfin, l'endettement financier net a été réduit à nouveau et ne représente plus que 21 % des capitaux propres.

Durant le premier semestre 2003, le contexte du secteur a continué à être défavorable. En France, où Renault réalise 31 % de ses ventes, les immatriculations ont été en recul global de 7,7 % sur la période comparable de 2002 et Renault a enregistré une baisse de 10,4 %.

Les dernières informations disponibles font état en France pour le mois de juin 2003 d'une légère reprise du marché automobile, qui a particulièrement profité à Renault qui bénéficie du renouvellement bien accueilli par le public de son véhicule l'Espace et de deux modèles clefs de sa gamme, Mégane et plus récemment Scenic, qui faisait suite au lancement de nouveaux modèles de haut de gamme qui n'avaient pas recueilli quant à eux le succès espéré. La reprise du marché demande à être confirmée.

Les résultats du premier semestre 2003, qui viennent d'être annoncés, traduisent une baisse de 2,1 % du chiffre d'affaires et de 35 % de la marge opérationnelle par rapport au premier semestre 2002. Le résultat net progresse de plus de 30 % grâce à la contribution de Nissan. L'endettement financier net est à nouveau réduit.

Parmi les filiales, Samsung a connu un très bon exercice 2002 qui semble à présent suivi d'un certain ralentissement. Dacia a, pour sa part, poursuivi la réalisation du projet consistant à mettre en place en 2004 la production de véhicules d'entrée de gamme à bas prix destinés aux marchés d'accession à l'automobile.

Enfin, l'importance et le succès de l'activité de la branche financière de Renault (notamment RCI) ont déjà été soulignés dans les précédents avis de la commission.

IV. - Nissan, désormais détenu à 44,4 % par Renault, a connu un exercice avril 2002 - mars 2003 exceptionnel, qui a confirmé le redressement rapide du groupe, avec un chiffre d'affaires en hausse de plus de 10 %, une augmentation de 50,7 % de son résultat d'exploitation et un résultat net en hausse de 33 %.

Ayant achevé avec une année d'avance la réalisation de son plan triennal de redressement (« Nissan Revival Plan ») initié en 2000, le groupe a pu lancer dès 2002 le nouveau plan « Nissan 180 ». Deux de ses objectifs ont pu être atteints dès la première année : le remboursement intégral de la dette industrielle et l'obtention d'une marge opérationnelle supérieure à 8 % (le chiffre record de 10,8 % a été réalisé). Nissan a poursuivi par ailleurs son troisième objectif, qui consiste en la vente d'un million de véhicules de plus, en augmentant ses ventes sur ses deux principaux marchés, le Japon et les Etats-Unis, malgré une conjoncture défavorable. L'accord avec le producteur chinois Dongfeng, conclu en septembre 2002, ouvre des perspectives de développement en Chine.

Du fait des résultats du groupe et malgré la dépression de la bourse de Tokyo, l'action Nissan a enregistré depuis deux ans une forte hausse, réalisant une performance très supérieure à celle de ses deux principaux concurrents, Toyota et Honda.

V. - Grâce à la mise en place des nouvelles structures, l'Alliance Renault Nissan a pu progresser dans le raprochement opérationnel et commercial des deux groupes. Ces avancées se sont en particulier concrétisées par le développement des deux plates-formes communes de véhicules, par l'harmonisation des systèmes informatiques, par l'extension de la centrale d'achats commune et par la mise en oeuvre dans le monde de coopérations commerciales ainsi que d'une organisation de distribution commune en Europe. L'Alliance vise ainsi à exploiter au maximum les complémentarités de deux groupes, tant en matière de gammes de produits que de marchés géographiques et d'expertise technologique.

Sur le plan financier, l'apport des bénéfices de Nissan et des dividendes qu'il a versés a joué un rôle déterminant dans la formation du résultat de Renault. Cet apport est destiné à s'accentuer selon les prévisions de bénéfices et de versements de dividendes rendus publiques par Nissan.

VI. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de Renault en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

A cette fin, elle a disposé du rapport de la banque conseil de l'Etat. Celle-ci retient quatre méthodes d'évaluation principales :

- l'analyse des moyennes du cours de bourse de Renault sur différentes périodes (de un mois à trois ans) et leur comparaison avec celles des entreprises du secteur ;

- l'actif net qui ressort à 44,40 EUR par action au 31 décembre 2002 et à 46 EUR au 30 juin 2003 (après prise en compte d'une distribution de dividende identique à 2002) ;

- les multiples de sociétés comparables : la banque conseil a considéré que les multiples les plus appropriés sont ceux du chiffre d'affaires et de l'excédent brut d'exploitation (en intégrant pour Renault 44,4 % des agrégats de Nissan) et elle a retenu comme sociétés comparables Peugeot SA, Volkswagen AG, DaimlerChrysler AG, Ford Motor et General Motors, tout en privilégiant la comparaison avec Peugeot SA ;

- l'actualisation des flux de trésorerie : compte tenu des difficultés méthodologiques de l'inclusion de Nissan dans le calcul, la banque conseil a effectué d'une part un calcul intégrant 44,4 % des flux de Nissan et d'autre part un calcul ne prenant en compte que les dividendes versés par Nissan à Renault. Les flux ont été déterminés sur la base de plans d'affaires des deux groupes, revus par la banque conseil, en tenant compte notamment des consensus des analystes. Différentes simulations ont été effectuées en faisant varier le taux du coût du capital et la méthode de calcul de la valeur terminale.

L'intégration de Nissan dans l'évaluation de Renault continue à poser les problèmes méthodologiques déjà mentionnés dans les précédents avis de la commission, en raison des caractéristiques différentes du marché financier japonais, du coût du capital, des évaluations et des multiples qui y sont admis par les investisseurs. La participation dans Nissan ne peut donc être intégrée telle quelle pour sa valeur boursière dans l'évaluation de Renault. Cette participation n'est au demeurant aucunement destinée à être cédée.

Sur ces bases, la banque conseil a présenté une fourchette d'évaluation de Renault.

VII. - La commission observe que les méthodes d'évaluation par les multiples de sociétés comparables et par l'actualisation des flux donnent des résultats relativement convergents compte tenu de l'ajustement habituellement opéré sur cette dernière évaluation dans le cas d'une cession de participation minoritaire.

L'application à Renault (Nissan étant inclus proportionnellement pour 44,4 %) de multiples d'excédent brut d'exploitation pour les exercices 2003 et 2004 en ligne avec ceux de ses comparables européens, sur la base des consensus de marché, conduit à une évaluation de Renault autour de 45 EUR par action. La corrélation étroite sur longue période de cet indicateur pour Renault et pour Peugeot, son comparable le plus direct, conforte cette observation.

Sur le plan boursier, le cours de l'action Renault a connu des variations importantes depuis son introduction en bourse en novembre 1994. Après un début difficile où il a stagné pendant plus de deux ans aux environs de 20 EUR, il s'est redressé à partir de 1997 pour évoluer depuis lors entre 30 et 60 EUR. Depuis deux ans, après avoir été lourdement affecté par les événements de septembre 2001, le cours a fortement remonté pour atteindre au printemps 2002 des niveaux particulièrement élevés auxquels ont pu être réalisées les augmentations de capital (à 50,39 EUR en février 2002 et 52,91 EUR en avril 2002) et la cession de titres par l'Etat (au prix de 51,80 EUR début avril 2002).

La dégradation du contexte économique a entraîné à partir de l'automne 2002 une baisse continue de l'action jusqu'aux environs de 30 EUR. L'annonce en avril 2003 des résultats de Nissan a inversé la tendance et, conforté par la reprise des marchés et par le bon lancement de nouveaux modèles Renault, le cours a rejoint un niveau supérieur à 45 EUR. Les incertitudes économiques générales, auxquelles une industrie cyclique comme l'automobile est très sensible, rendent incertaines les prévisions pour les mois à venir. Toutefois, l'Alliance est facteur de perspectives d'avenir dont les effets positifs sur le titre peuvent s'accentuer.

La commission observe que sur toutes les périodes considérées, de un mois à trois ans, l'action Renault a connu une évolution favorable. Ainsi, depuis un an, le cours de Renault a progressé de 13 %, soit une performance de près de 24 % par rapport au CAC 40 et de plus de 33 % par rapport l'indice sectoriel Eurostoxx.

Le montant de l'actif net par action constitue par ailleurs une référence qui ne peut être négligée.

La commission observe enfin que la procédure de cession choisie, un placement privé garanti par un syndicat bancaire quant à sa bonne fin et à son prix, paraît être un moyen approprié d'atteindre les objectifs recherchés et d'assurer le succès de l'opération, notamment du prix obtenu par l'Etat, dans les conditions actuelles du marché. Cette procédure avait été utilisée lors de la cession d'avril 2002.

VIII. - Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des informations qui lui ont été communiquées ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de Renault SA ne saurait être inférieure à 46 EUR par action, soit 13,1 milliards d'euros pour 284 937 118 actions composant le capital social (y compris les actions détenues par Nissan).